Page:Bertrand - D’Alembert, 1889.djvu/158

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nature l’a destiné pour embrasser le métier des armes. J’espère que vous n’envierez pas au susdit régiment cet homme, dont j’aurai soin de faire la fortune en votre considération. »

L’occasion était bonne de quitter Berlin ; à la place d’Euler, d’Alembert n’y eût pas manqué.

Le voyage de d’Alembert à Berlin ne put avoir lieu que trois ans après la mort de Maupertuis, en 1762. Son empressement à profiter des offres de Frédéric n’eut, on le voit, rien d’indiscret. Frédéric lui-même n’était pas toujours de loisir. D’Alembert, pour accepter son invitation, choisit le moment où le roi lui écrivait :

« Je vais donc vivre tranquillement avec les Muses et occupé à réparer les malheurs de la guerre dont j’ai toujours gémi. »

D’autres, en lisant ces lignes, auraient eu le droit de sourire. D’Alembert ne l’avait pas. La nature de Frédéric était double ; jamais il ne s’est montré à d’Alembert, jamais il n’a été pour lui qu’un ami spirituel, profond, généreux et dévoué.

Pendant deux mois entiers le philosophe accepta l’hospitalité simple et intime de cet ami qui ne voulait pas avoir de cour, et dont l’accueil et l’empressement cordial n’avaient rien de commun avec la politesse d’un grand seigneur ou les bontés d’un monarque.

Dînant et soupant à la table du roi, d’Alembert y parlait, quels que fussent les invités, avec aisance et liberté, sans se soucier de l’étiquette, sans la con-