Page:Bertrand - D’Alembert, 1889.djvu/36

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

leur état criminel est injurieux à Dieu, le père de tous les chrétiens.

L’ironie est une arme puissante. On lisait beaucoup en 1735 Cartouche, ou le Scélérat sans reproche par la grâce du père Quesnel.

Cartouche est un honnête homme, un fort honnête homme, en un mot un homme irréprochable, et ceux qui en jugent autrement sont obligés en conscience d’abjurer le père Quesnel ou de faire réparation à Cartouche. Pourquoi le blâmer ? Pouvait-il, si la grâce lui a manqué, se défendre des crimes dont il était tenté ? car les commandements sont impossibles à qui les transgresse.

« Un jour, dit la Correspondance de Grimm, le cardinal de Rochechouart, ambassadeur de France à Rome, entre chez le pape Benoît XIV avec un visage fort allongé : « Eh bien, qu’y a-t-il, monsieur l’ambassadeur ? lui dit-il. — Je viens de recevoir la nouvelle, lui dit l’ambassadeur, que l’archevêque de Paris est de nouveau exilé. — Et toujours pour cette bulle ? demande le pape. — Hélas ! oui, Saint-Père. — Cela me rappelle, reprend le pontife, une aventure du temps de ma légation à Bologne. Deux sénateurs prirent querelle sur la prééminence du Tasse sur l’Arioste. Celui qui tenait pour l’Arioste reçut un bon coup d’épée dont il mourut. J’allai le voir dans ses derniers moments : « Est-il possible, me dit-il, qu’il faille périr dans la force de l’âge pour l’Arioste que je n’ai jamais lu ! »

C’est à Benoît XIV si peu confiant dans les