Page:Bertrand - D’Alembert, 1889.djvu/93

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après cet adoucissement fait par la discrétion du prêteur, c’est que nous formons une secte qui a juré la ruine de toute société, de tout gouvernement et de toute morale. Cela est gaillard ; mais vous sentez, mon cher philosophe, que si on imprime aujourd’hui de pareilles choses, par ordre exprès de ceux qui ont l’autorité en main, ce n’est pas pour en rester là. Cela s’appelle amasser des fagots au septième volume pour nous jeter dans le feu au huitième. Nous n’avons plus de censeurs raisonnables à espérer, tels que nous en avions eu jusqu’à présent. M. de Malesherbes a reçu là-dessus les ordres les plus précis et en a donné de pareils aux censeurs qu’il a nommés. D’ailleurs, quand nous obtiendrions qu’ils fussent changés, nous n’y gagnerions rien ; nous conserverions alors le ton que nous avons pris, et l’orage recommencerait au huitième volume. Il faudrait donc quitter de nouveau, et cette comédie-là n’est pas bonne à jouer tous les six mois. Si vous connaissiez d’ailleurs M. de Malesherbes, si vous saviez combien il a peu de nerf et de consistance, vous seriez convaincu que nous ne saurions compter sur rien avec lui, même après les promesses les plus positives. Mon avis est donc, et je persiste, qu’il faut laisser là l’Encyclopédie et attendre un temps plus favorable (qui ne reviendra peut-être jamais) pour la continuer. S’il était possible qu’elle s’imprimât dans le pays étranger en continuant, comme de raison, à se faire à Paris, je reprendrais mon travail, mais le gouvernement n’y consentira jamais ; et,