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Page:Bertrand - L'appel du sol, 1916.djvu/147

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PAROLES AVANT LA BATAILLE

sion. Cet admirable cerveau dogmatique manquait de sens critique. Les choses pour lui étaient absolues, toutes claires et sans fêlure, comme sa science et comme sa foi. Il était violent, autoritaire et têtu. Ses yeux mystiques se créaient une société et un ordre de choses à l’image de son âme. Il vivait en des temps révolus depuis deux cents ans. La France était pour lui celle du traité de Nimègue, dans l’apogée pompeuse du règne de Louis le Grand. L’armée, plus que tous les autres grands corps de l’État, avait l’ordonnance des jardins de Versailles : ses chefs, à l’instar du prince de Condé et du maréchal de Turenne, la mèneraient au passage du Rhin aussi glorieusement que le 12 juin 1672.

Le capitaine de Quéré était Breton. Quinze ans de commandement à la légion étrangère sous tous les ciels d’Afrique n’avaient point brûlé le brouillard rêveur de ses yeux. Ce classique avait le romantisme du vicomte de Chateaubriand. D’ailleurs pénétré d’une ardente sympathie pour la Compagnie de Jésus, à laquelle appartenait un de ses frères, quelques camarades l’accusaient plaisamment d’être un