Aller au contenu

Page:Bertrand - L'appel du sol, 1916.djvu/171

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

se dressaient encore pour franchir quelques mètres. On eût dit les courtes lames successives de la marée qui monte, les vagues bleues de la Méditerranée.

Les obus allemands, rares d’abord, tombaient à présent sur le terrain en une averse régulière. Il y avait des morts et des blessés dans chaque section. En avant, les projectiles éventraient la terre, s’y enfonçaient en laissant rejaillir, comme l’eau d’un bassin, des gerbes de poussière. C’était un tir de barrage si puissant qu’il était impossible de passer.

Depuis une heure la compagnie était allongée, sans un mouvement, dans la prairie. Les chasseurs d’abord n’avaient pas été trop émus.

— Ce n’est guère nouveau, avait dit Angielli.

Maintenant, on trouvait que la plaisanterie durait trop longtemps. Plus le temps passait, plus la crainte de la mort saisissait les hommes. Ils suaient à grosses gouttes. Le soleil et le roulement des obus leur alourdissaient le cerveau. Un immense halètement d’angoisse contractait et dilatait leur poitrine. Des blessés hurlaient.