Page:Bertrand - Sanguis martyrum, 1918.djvu/161

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’était pas là précisément en accusé, il y était du moins en inférieur et en sujet de l’Empire. Dès ses premières paroles, Macrinius inspira une sourde aversion à son interlocuteur. Cécilius sentit s’accroître son horreur du fonctionnaire, de l’homme qui n’est rien par lui-même, qui ne paraît être quelque chose que par l’autorité qu’il détient, qui ne parle jamais en son nom, et qu’on regarde un peu de la même manière qu’une statue allégorique, — un symbole en pierre, aux yeux vides et aux lèvres scellées.

Manifestement, le légat se proposait d’intimider Cécilius. Il fut presque injurieux. Il commença par une allusion aux origines numides du propriétaire de Muguas. D’un ton bref, il ajouta :

« Prends garde à toi ! Tu sais que Rome n’a jamais été tendre pour les roitelets étrangers.

– Mes ancêtres l’ont su, sans doute !

– Mais toi, tu as des devoirs envers le Sénat et les Augustes Empereurs.

– Crois-tu que je les oublie ?… Je suis Romain… et sénateur, moi aussi ! »

Sentant qu’il ne gagnerait rien par la violence, Macrinius changea de tactique, et, abordant les affaires en litige, les manifestations du cimetière, la réunion à l’église de Cirta, il essaya de raisonner Cécilius :

« Toi, un homme sage, pourquoi avoir prêté ta maison à des factieux et à des sacrilèges… des athées qui refusent le culte aux dieux et aux Empereurs ? Tu sais à quoi tu t’exposes ?

– Je sais en effet les sévérités de la loi contre les fauteurs de troubles. Mais je ne suis point un séditieux ni un violateur des lois… »

Et, en ancien avocat, qui connaît son métier, il exposa sa thèse : La maison n’était plus à lui. Il l’avait louée à Crescens de Cirta. On pouvait voir dans les archives l’acte passé devant les magistrats municipaux. Quant à cette réunion clandestine, il l’avait désapprouvée, comme l’eût