Page:Bertrand - Sanguis martyrum, 1918.djvu/169

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Et, de nouveau, il supputait en son esprit tout ce qu’il lui faudrait accepter et subir à cause d’elle.

En discutant ainsi, ils avaient franchi l’enceinte du camp, et, sans même s’en apercevoir, ils avaient traversé la ville. Ils se trouvaient maintenant devant leur auberge, — A l’Aigle majeure. En apercevant l’emblème impérial, un dernier sursaut d’irritation secoua Cécilius. Il se retourna brusquement, et, levant son bras vers le prætorium dont le fronton, chargé de trophées et d’étendards, s’apercevait de partout :

« Tiens ! dit-il à Martialis, la voilà, la véritable auberge de l’Aigle !… Mais que dis-je ? C’est l’Empire lui-même qui est devenu l’auberge du monde. Les peuples déracinés ne sont plus qu’une poussière d’hommes qui roule d’un pays à l’autre. Au milieu de cette cohue, les rapaces venus de tous les points de l’univers font bombance dans les salles de la grande hôtellerie, en attendant qu’ils se battent pour se partager les dépouilles de l’hôte !

– Tu exagères, mon ami ! fit le vieillard impatienté : c’est le chagrin d’avoir perdu ta fille qui trouble ton esprit. Mais rassure-toi ! On te la rendra, ta fille !… Ce soir même, nous saurons… »

Et, en disant ces mots, il regardait Cécilius, dont le visage décomposé exprimait le paroxysme de la souffrance intérieure.