Page:Bertrand - Sanguis martyrum, 1918.djvu/192

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ce qu’il sera possible de tenter pour tirer ta fille de là. Si nous procédons militairement comme à la Piscine, ils auront le temps encore une fois de faire partir les femmes : une troupe de cavaliers aux environs du village leur donnerait l’alarme, tu comprends !… »

Au fond, Victor ne cherchait qu’à accumuler les obstacles et les délais, afin de rentrer au camp le plus tard possible. Néanmoins, les assurances qu’il prodiguait réconfortèrent Cécilius. Tout enfiévré d’espoir, celui-ci ne put dormir de la nuit. La chaleur était accablante et on avait encore allumé de grands feux autour du campement, pour écarter les scorpions. Le lendemain, dès l’aube, l’escouade se remit en marche vers le Village Rouge et la maison mystérieuse où Sidifann avait caché sa proie.


Le muletier n’avait pas menti : Birzil était là, effectivement, près du Calcéus, dans ce Village Rouge, dont la couleur extraordinaire avait si souvent émerveillé ses regards, lorsqu’elle passait à cheval, au bas de ses terrasses et de ses jardins, dans le lit pierreux et à demi desséché de l’oued. Toute la région d’ailleurs lui était familière : elle l’avait parcourue en tous sens avec le vieil écuyer Trophime, pendant son séjour à la villa. Dans la voiture couverte qui l’amenait à la maison de Sidifann, entre les courtines mal jointes, elle avait pu identifier les étapes l’une après l’autre et reconnaître la figure des lieux. Mais elle s’était gardée d’en manifester quoi que ce fût, pas plus qu’elle n’avait révélé son origine à ses compagnes. Si près des ruines de sa villa, dans le voisinage du poste militaire où les archers syriens faisaient bonne garde, elle espérait qu’une chance favorable d’évasion ne tarderait pas à se présenter, peut-être avec la complicité des soldats.

Pour l’instant, elle se remettait tant bien que mal des émotions tragiques de ces dernières semaines. Elle prenait des forces pour la fuite ; car elle n’aspirait qu’à s’échapper de ce milieu barbare, elle qui, autrefois,