Page:Bertrand - Sanguis martyrum, 1918.djvu/316

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Soudain, le célébrant se tourna vers cette chair de souffrance écroulée à ses pieds, et il prononça les paroles liturgiques. Le son angélique de cette voix fit se lever tous les pauvres visages penchés vers la terre. Cécilius contempla le prêtre. Celui-ci avait rabattu son capuchon et rejeté sur ses épaules les deux pans de son manteau. Il apparaissait tel qu’un jeune berger, vêtu d’une tunique blanche qui bouffait autour des hanches et qu’une ceinture serrait à la taille. Ses sandales de bois laissaient voir ses pieds nus à travers un réseau de bandelettes entrecroisées autour de ses jambes et montant jusqu’aux genoux. Son visage imberbe rayonnait d’une beauté merveilleuse. Et Cécilius songeait : « C’est un étranger, un Oriental, sans doute : il suffit de l’entendre. Mais c’est un bon prêtre. Sûrement, celui-là vient de Dieu ! »

Après le Pater, quand il eut béni les Espèces et rompu le Pain, l’officiant se retourna de nouveau vers les misérables en prononçant :

«  Sancta Sanctis ! »

Alors son visage déjà si beau se transfigura dans la conscience accablante du mystère qui venait de s’accomplir. A l’approche de cet être de clarté qui s’avançait tenant le Corps du Seigneur, Nartzal, dont l’âme débordait d’enthousiasme et d’extase, ne put retenir un grand cri d’amour :

«  Veni, Domine Jesu ! »

Ses compagnons et lui s’étaient levés pour la communion. L’un derrière l’autre, ils défilaient devant le prêtre, tendant leur main droite croisée sur leur main gauche, leurs mains de travailleurs et d’esclaves meurtris par les coups et les blessures — et les paumes tremblaient en se creusant pour recevoir dans leur chair douloureuse ce Présent ineffable. Ensuite le prêtre, saisissant le calice par les deux anses, l’approcha des lèvres des communiants. Chacun buvait à son tour et ils se pressaient autour de lui comme les brebis qui rentrent des champs