Page:Bertrand - Sanguis martyrum, 1918.djvu/318

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« Mais alors, reprit lentement Cécilius, ce jeune homme qui est venu, qui nous a distribué le Corps du Seigneur ?…

– C’était Lui ! s’écria Nartzal d’une voix tonnante… c’était le Seigneur lui-même !… Tout de suite, dès qu’il nous a parlé, n’avez-vous pas senti, comme les disciples d’Emmaüs, votre cœur bondir au-devant de Lui ? Moi, le mien était tout brûlant de charité ! »

Leurs esprits se troublaient… « Eh quoi ! le Seigneur… le Seigneur avait daigné venir !… Ah ! puisqu’il avait fait cela pour eux, leurs longues souffrances étaient récompensées au centuple. A présent, ce serait le sacrifice dans la joie, dans l’allégresse triomphale de la victoire sur le monde… Oui, en vérité, c’était Lui !… Le Seigneur était venu !… » Cette certitude s’imposa aux frères avec une force tellement irrésistible que tous ensemble ils tombèrent à genoux et que les mêmes accents de jubilation jaillirent de leurs poitrines :

Magnificat anima mea Dominum et exsultavit spiritus meus in Deo salutari meo

Comme ils achevaient les premiers versets, trois coups espacés retentirent le long de la paroi, puis sept autres plus précipités : c’était l’heure de la prière méridienne. D’autres chrétiens se trouvaient à proximité, dans une galerie parallèle sans doute. Ils avaient perçu à travers les murs opaques de leurs prisons, le chant d’allégresse et de reconnaissance, et, comme s’ils devinaient quel Visiteur avait, ce jour-là, traversé les mines de Sigus, comme s’ils voulaient s’associer à la joie des frères, ils entonnèrent à leur tour avec une sorte de frénésie mystique le verset suivant :

Quia fecit mihi magna qui potens est et, sanctum nomen ejus !

Sous les voix éperdues, toute la mine vibrait, un grondement souterrain se propageait à travers les galeries. On eût dit que la terre se soulevait, qu’elle allait éclater sous le cri de l’amour et de la justice, parti des profon-