Page:Bertrand - Sanguis martyrum, 1918.djvu/48

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l’autre, tous, jusqu’au flaminat perpétuel. Peut-être que le fils, lui aussi, était flamine, comme tant de riches chrétiens qui croyaient pouvoir rester fidèles au serment baptismal, tout en acceptant le sacerdoce de Rome et des Empereurs… Que c’était étrange, en tout cas ! Lorsque, la veille au soir, encore oppressé par le souvenir des frères de Sigus, il avait parlé d’eux en arrivant, son ami ne s’était guère montré ému de tant de souffrances, et, négligemment, il avait répondu qu’il en dirait un mot à son intendant. Durant tout leur court entretien, il paraissait gêné d’ailleurs, malgré l’exubérance de ses paroles et toute une affectation de joie que pourtant Cyprien sentait sincère au fond. L’âme païenne de ce logis fastueux avait-elle reconquis l’âme du maître chrétien ?…

L’évêque songeait ainsi devant la muraille rocheuse de Cirta, lorsque, sous la colonnade du xyste, Cécilius lui-même parut.

« Eh bien, dit-il à mi-voix, j’espère que tu rends grâce à ma prudence. Il n’était pas possible avoue-le, de trouver, pour votre assemblée, un lieu plus secret et plus inaccessible. D’un côté, les murs de mes jardins, de l’autre, le puits sans fond des gorges… »

Il montrait le gouffre vertigineux, au fond duquel on entendait le jaillissement des cascades et le grondement continu des eaux écumeuses. Souriant, il reprit :

« C’est à cause de toi, cher Cyprien, que je suis venu ici. Oui, pour toi, je me suis refait presque citadin, moi qui ne me plais que dans ma solitude rustique. Je n’aime pas beaucoup cette maison construite par mon père. Je ne m’y sens pas chez moi : c’est presque un édifice public. Mon père voulait d’abord en faire des thermes pour ses concitoyens. Mais c’était un peu loin de la ville, et puis le monument une fois sorti de terre lui a tellement plu qu’il a préféré le garder pour lui et aménager à côté des bains toute une villa estivale… Quant à moi, je préfère de beaucoup ma campagne de Muguas, à deux milles au plus de Cirta… Cher Cyprien, il faudra que je t’y em-