Page:Bertrand - Sanguis martyrum, 1918.djvu/71

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Or, ceux-ci n’étaient pas encore arrivés. Jacques affirma que, sans doute, ils ne tarderaient point, et, tout en boitant, il conduisit Cyprien vers le triclinium, la grande salle des agapes, où, selon l’usage, une collation avait été préparée pour le visiteur. Sur un plateau de cuivre, étaient disposés des gâteaux, des jus de fruits dans des fioles irisées, de l’eau fraîche dans des vases de terre.

Cyprien n’accepta qu’un peu d’eau, et, après avoir refusé de s’asseoir, il finit par prendre un siège, les émissaires de Paulus tardant à paraître. Autour de lui, sur le dallage, s’espaçaient des lits, des tables, des nattes, des sièges de toute sorte : il y en avait pour toutes les conditions et toutes les coutumes. L’évêque promenait un regard surpris sur la salle. Elle respirait l’ordre, la prospérité, la richesse même. Sur un buffet, resplendissaient deux grands calices d’or, sans compter les calices d’argent et les plats de même métal. Des lampes, des chandeliers, des candélabres de bronze, avec leurs chaînettes et leurs aiguilles, s’alignaient dans les encognures et sur les étagères. Les murs étaient peints à fresque de gracieux motifs ornementaux, guirlandes de roses, corbeilles de fleurs ou de fruits, ou bien de figures et de scènes naïves tirées de l’Écriture : Moïse frappant le rocher, la multiplication des pains, le Bon Pasteur, le repas des Sept disciples. Jacques, devinant la pensée de l’évêque, s’empressa de lui dire :

« Nous n’avons pas eu à souffrir beaucoup, même sous Dèce. La persécution a été très courte, et on a respecté les biens de l’église. »

Novatus et Januarius déclarèrent qu’il en avait été de même à Lambèse et à Thamugadi.

Alors le diacre, comme s’il voulait éblouir l’évêque de Carthage en étalant sous ses yeux l’opulence de l’église de Cirta, lui proposa de visiter la maison. Pendant ce temps, on enverrait quelqu’un à l’auberge où étaient descendus les partisans de Paulus, pour s’enquérir de leur