Page:Bertrand - Sanguis martyrum, 1918.djvu/73

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Çà et là, le long des murailles noyées de ténèbres, quelques lampes brûlaient dans des niches. Au centre, supportant une rangée de gros cierges de cire, se dressait l’autel, simple table de bois recouverte d’une nappe. Devant, on distinguait l’estrade du lecteur, et tout au fond, dans une abside récemment construite et encore blanche de maçonnerie, le siège épiscopal.

Debout, les deux paumes étendues, dans l’attitude de la prière, l’évêque se tenait devant l’autel. Instantanément, ses yeux semblèrent se vider de toute forme sensible, comme si l’univers s’était tout à coup aboli pour sa conscience. Le regard tourné à l’intérieur, il priait pour l’église de Cirta, cette église trop riche et trop heureuse, suppliant Dieu de lui épargner tout ce qu’il pressentait de ruines et de tribulations imminentes. De loin, les assistants le contemplaient, craignant, par un geste ou une parole, de troubler son oraison, lorsque Marien le lecteur rentra de l’auberge, accompagné de Delphin le cubiculaire. Il fallut bien apprendre la vérité à Cyprien.

Agitant ses longs bras, avec toute une mimique indignée, Jacques lui rapporta la réponse des délégués de Paulus. Ils avaient déclaré que ni eux ni leur chef n’assisteraient au concile. Ce concile était irrégulier, les évêques n’étant pas plus en nombre, cette fois, que pour l’élection de Crescens : tout le monde savait maintenant que les évêques du Sud s’étaient abstenus… Une telle traîtrise révolta Cyprien. Après avoir accepté son arbitrage et pris jour pour une entrevue, comment ces mauvais chrétiens osaient-ils se dérober ? Car l’absence de quelques prélats n’était qu’un prétexte, la majorité étant réunie à Cirta… Mais il n’eut pas le temps d’y penser davantage. Delphin lui confiait à voix basse que Cécilius venait d’arriver de Muguas avec un visage sombre et qu’il priait l’évêque de venir au plus vite le trouver, pour une affaire des plus urgentes…

À la villa, devant la porte de son appartement, son secrétaire, Célérinus, le prévint qu’un courrier, venu de Carthage à franc étrier et qui le poursuivait depuis son