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SÉBASTIEN CHARLES LECONTE


Sentira-t-il sur lui descendre, comme un deuil,
Voûte aux arches de glace et d’or, la solitude
Terrible de sa gloire et de son libre orgueil,
Et s’attristera-t-il, lorsque sages et prêtres
Auront courbé le front devant la vérité,
De ne pouvoir du moins, comme nous, ses ancêtres,
Douter de ta réalité.

Qu’importe ! nous marchons, souffle, esprit ou matière,
Vers les monts de l’ultime et suprême douleur,
Où croît sur le roc nu la certitude entière
De l’arbre de science altière et chaste fleur ;
La voie inéluctable est devant nous ouverte,
Notre devoir grandit, avec la vision
Où frissonne, victime au sacrifice offerte,
Notre chétive illusion.

Qu’importe ! précurseurs que l’avenir écoute,
Nous irons, jalonnant de nos corps les sillons,
Et dût le désespoir, au terme de la route,
Nous accueillir du grondement de ses lions,
Dussiez-vous, conquérants de la future histoire,
Triomphateurs laurés d’un jour sans lendemain,
Mourir, du battement d’ailes de la victoire,
Nous vous montrerons le chemin !…

(La Tentation de l’Homme.)


LE DERNIER CHANT D’ORPHÉE


O Vierges ! n’est-ce pas qu’autour de mon supplice,
Vos danses mèneront, sous la lune complice,
Une orgie en démence au rythme bondissant,
Et, de l’antique Olympe ébranlant les murailles,
Feront mes funérailles
Ruisselantes de sang ?

N’est-ce pas que, ce soir, dans les forêts grondantes,
Pleines de souffles courts et d’haleines stridentes,
Et chaudes de sueurs et rouges de flambeaux,