Page:Bibaud - Épîtres, satires, chansons, épigrammes, et autres pièces de vers, 1830.djvu/52

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 « À la chambre. » dit-on, « si tous savaient parler,
« Ils ne finiraient plus. » Mais, s’il faut leur souffler :
Oui, non, n’est-ce pas chose et honteuse et nuisible ?
Quelquefois, l’ignorant ne se rend que risible ;
Surtout, quand, par son or ayant fait quelque bruit,
Il commence à vouloir trancher de l’homme instruit :
Oyez parler Toinon, oyez parler Beausire,
Et, si vous le pouvez, abstenez-vous de rire.
Un soir, la nappe otée, et le repas fini,
De convives instruits un cercle réuni,
Après mainte chanson, mainte plaisanterie,
Parle des écrivains et de la librairie :
Chacun prône, défend son auteur favori :
L’un est pour Massillon, et l’autre pour Maury ;[1]
L’un exalte Rousseau ; l’autre exalte Voltaire :[2]
« Le plus beau des auteurs, c’est bien le Formulaire, »
S’écrie un ignorant, croyant être applaudi.
Le cercle, du bon mot, tout d’abord, étourdi,
Se regarde, sourit, puis éclate de rire.
Si l’on en croit Rousseau, l’erreur est encor pire
Que l’ignorance. Soit : mais l’erreur est le fruit,
Le triste rejeton, le malheureux produit,
De la présomption unie à l’ignorance ;
Et de cette union naît encor l’imprudence.
L’ignorant est peureux ; l’abusé, confiant ;
L’un hésite, incertain, et l’autre se méprend :

  1. Auteurs de Sermon, &c. très estimés.
  2. Écrivains philosophes, connus de tout le monde.