Page:Bibaud - Histoire du Canada et des Canadiens sous la domination anglaise, Vol 2, 1844.djvu/139

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une majorité de 21 contre cinq, « qu’Ezechiel Hart, écuyer, professant la religion judaïque, ne pouvait ni siéger ni voter dans cette chambre ». Plusieurs furent, à tort ou à droit, persuadés que les opinions politiques de M. Hart, bien plus que sa religion, occasionnèrent cette démarche extraordinaire.

Il convenait d’autant plus à la chambre d’assemblée de se garder de tout procédé inconstitutionnel, ou sentant la violence, que le gouvernement du Canada était alors une espèce d’oligarchie, vis-à-vis de laquelle l’amour du bien public lui dictait de se tenir toujours dans son droit. Cette oligarchie se composait du conseil exécutif, de la majorité du conseil législatif, des juges et des officiers de la couronne qui avaient obtenu des siéges dans la chambre d’assemblée. Elle était soutenue généralement, ou du moins n’était pas combattue par les marchands et autres habitans de naissance ou d’origine britannique[1] ; non pas, peut-être, parce qu’ils la trouvaient excellente, mais parce qu’ils la croyaient disposée à opérer les changemens qu’ils désiraient ; à rendre « la colonie anglaise de fait, comme elle l’était de nom », ou, en d’autres termes, à tout bouleverser dans le pays, pour leur intérêt particulier, bien ou mal entendu. À cet état menaçant devait être ajoutée l’arrivée d’un gouverneur prévenu, ou apte à se laisser prévenir en faveur des gens de sa langue et de sa religion, et disposé à tout croire au désavantage de ceux qu’on lui donnerrait comme leurs adversaires politiques. En effet, Sir J. H. Craig ne tarda pas à « appeller sous ses drapeaux les habitans d’origine anglaise, comme étant le moyen le plus efficace de préserver l’ascendant britannique » ; et bientôt après, (pour anticiper un peu sur l’époque), il

  1. Political Annals of Lower Canada.