Page:Bibaud - Histoire du Canada et des Canadiens sous la domination anglaise, Vol 3, 1878.djvu/110

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lité et du bonheur du peuple, quand on vit reproduites dans une harangue et des résolutions de quelques habitans d’une paroisse éloignée de dix ou onze lieues de Montréal, toutes les matières inflammatoires de la Minerve du 24, et qu’on put prévoir que cet exemple serait imité par beaucoup d’autres paroisses du district[1].

En effet cette assemblée, ou semblance d’assemblée, ne tarda pas à être suivie d’une autre, où la harangue et les résolutions furent couchées en termes encore plus incendiaires, et approchant de la trahison, du moins suivant la Gazette et les autres journaux anglais.

Pour en venir à l’enquête du coroner, il était bien difficile, pour ne pas dire impossible, qu’elle ne fût pas partiale, vû la hauteur où l’exaspération et l’esprit de parti étaient montés, et le choix qui fût fait de jurés, presque tous lecteurs de la Minerve, et de cette gazette seule, aussi, après avoir entendu treize témoins à charge, et dix à décharge, neuf d’entre lesquels paraissaient n’avoir voulu s’en rapporter qu’aux témoins à charge, (qui, la plupart, s’étaient contentés

  1. À cette assemblée, « convoquée pour prendre en considération les horreurs du 21 mai », le harangueur dit, entre autres choses : « D’après les gazettes, vous n’avez pu entendre le récit de ces actes d’atrocité, commis par l’ordre de certains magistrats audacieux et d’un militaire coupable… De quelle douleur ne doit pas être navré le cœur de tout vrai Canadien, en voyant périr sous les coups meurtriers d’une soldatesque effrénée trois citoyens paisibles… Pourrait-on d’un œil insensible considérer leurs membres palpitants et ensanglantés… et sans en sentir s’élever dans son âme la plus violente indignation contre les auteurs coupables de ces assassinats depuis longtems concertés contre nos concitoyens ! Oui, n’en doutez pas, le carnage, le meurtre étaient déjà résolus dans le cœur des ennemis du nom canadien… Lorsque les bureaucrates ont levé le masque, et ont juré de laver la honte de leur défaite dans le sang canadien… » Puis viennent cinq ou six résolutions en harmonie avec la harangue… Sans doute, en lisant ces horreurs et ces atrocités, un étranger aurait pû demander si le Bas-Canada était habité par des Malais ou des Pandaris, ou s’il n’y avait pas de loi pour réprimer un incendiarisme aussi affreux.