Page:Bibaud - Histoire du Canada et des Canadiens sous la domination anglaise, Vol 3, 1878.djvu/486

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ger des injures gratuites qu’elle leur prodiguait, ou des défis hautains qu’elle leur faisait, mais pour mettre à sa place quelque rouage, au moyen duquel le gouvernement pût marcher. Plusieurs regrettaient, dans l’intérêt de la tranquillité et du bonheur du peuple, que l’interdiction n’eût pas eu lieu aussitôt après l’adoption des 92 résolutions, d’autant plus que, depuis cette époque, elle n’avait fait que fatiguer, tourmenter toutes les autorités constituées et la population généralement, arrêtant tout, troublant tout, et ne laissant voir en perspective que le désordre, l’anarchie ou le despotisme ; non que tel fût son intention ou sa volonté, mais parce que, selon la nature et le cours ordinaire des choses, la marche dans laquelle elle s’était laissée entraîner ne pouvait aboutir que là. Cet entraînement déplorable, avec l’influence pernicieuse qu’il devait avoir immanquablement sur une partie de la population, était, peut-être, ce qui affligeait le plus les vrais amis de leur pays, et faisait trembler ceux qui prévoyaient et redoutaient les désordres d’une commotion populaire et les calamités inséparables de sa répression. Nul homme raisonnable, nul philanthrope surtout, ne pouvait désirer le succès d’une insurrection, dans l’état de fermentation où étaient les esprits ; et à la vue du déchaînement des passions haineuses et violentes ; nul homme instruit, ou exempt de préventions aveugles, ne pouvait croire un tel succès possible, et nul vrai patriote ne pouvait envisager, sans une profonde anxiété, les maux physiques et moraux qui seraient la suite d’une tentative aussi insensée que coupable, et vers laquelle tout parut tendre, dans une partie du district de Montréal, après le retour des membres de l’assemblée. C’était une perspective fondée sur de bien tristes apparences que