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le secret de la marquise

vie insupportable. Je n’avais pour confidente que Marie, ma sœur de lait ; souvent je lui disais :

— Marie, je voudrais être à ta place ! Toi, tu es heureuse, entourée d’affection, tu as une mère qui t’adore. Moi, je me sens isolée, ici, seule dans ce château ; mon père n’a pour moi que de l’indifférence, ah ! si comme toi j’avais encore celle à qui je dois le jour !

« Au fond de mon âme s’agitait comme un souffle puissant qui cherchait à tout remplir, un besoin d’aimer, d’être aimée, d’être quelque chose pour quelquun. J’aurais voulu n’être plus poursuivie par cette pensée amère que nul ne s’occupait. de moi, que j’étais un petit être parfaitement indifférent à tous, mon imagination, un peu rêveuse, me jetait souvent dans de profondes mélancolies, qu’augmentait encore la solitude presque complète de notre demeure.

« Le château de mon père était situé sur une petite colline, au pied de laquelle s’étendait une vaste forêt. Nous étions à plusieurs milles de la ville, nuls voisins n’habitaient près de nous. Seul le château de Montreuil n’était pas très éloigné, j’aurais pu faire société avec ses habitants, si une grande inimitié n’eut régné entre cette famille et la mienne depuis des générations entières. J’avais souvent entendu dire à mon père :

« Si un Montreuil faisait la cour à ma fille, je le tuerais.

— Ainsi j’étais réduite à n’avoir pour toute compagnie que la bonne Marie que je voyais deux ou trois fois par semaine.

Un jour que je m’étais enfoncée bien avant dans la forêt, j’aperçus soudain un chien furieux qui