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le secret de la marquise

sait les riches qualités de l’âme, cette nature si fine, si bien douée, auprès de laquelle il avait toujours vécu, il faudrait la quitter ! il faudrait arracher de son cœur ce sentiment qu’il lui portait depuis si longtemps. Cette femme qu’il avait rêvé avec tant de bonheur être la sienne, un autre viendrait un jour la réclamer ; un autre recevrait sa tendresse, ses baisers, son amour. Il sentait son cerveau en délire. Ah ! non, non, mille fois la mort plutôt qu’un pareil supplice, un seul mot résonnait à ses oreilles : Ma sœur ! elle est ma sœur ! ! Pourquoi ses pas chancelants le conduisirent-ils à l’appartement de la jeune fille, il n’aurait pu le dire ; mais il entra machinalement dans cette petite chambrette à rideaux roses, que Louise avait ornée avec un goût exquis. Dans ce réduit charmant, il lui sembla que son âme allait le quitter. Il s’était laissé tomber sur une chaise, lorsque soudain un des souliers de satin de la jeune fille, oublié sur le bureau de toilette, frappa ses regards. Cette vue sembla raviver sa douleur. En effet, quel objet peut d’une manière plus touchante rappeler au souvenir l’être qu’on a perdu ! Avez-vous vu quelquefois une mère éplorée presser sur son cœur avec amour la petite chaussure de son enfant qui n’est plus ? Il lui semble que c’est encore une part de lui-même.

Pour Hector, le petit soulier de satin était une image trop vivante de Louise, il le rendait fou de douleur, le portant soudain à ses lèvres, il le saisit avec angoisse et s’enfuit avec lui s’enfermer dans sa chambre. Sur sa table reposait son grand fusil de chasse ; d’une main tremblante il le prit, une pensée horrible traversa son cerveau,