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un homme d’honneur

dans le malheur, qui ne peuvent gagner leur vie à frotter les planchers, se voient, pour un retard de quelques jours dans le payement d’une somme banale, enlever par la justice le seul moyen de subsister qui leur reste. On crie à l’honnêteté, on se pose en noble chevalier défenseur de la vertu, et si une honnête femme nous supplie de ne pas la mettre sur le pavé, on rit, on la regarde avec mépris, parce qu’elle est pauvre ; pas de merci pour elle, la loi est là ; mais, si par hasard c’est une drôlesse qui implore, c’est bien différent, celle-là a droit à des égards : c’est toujours la même comédie, le Tartuffe de Molière vivra éternellement. Moi qui vous parle, j’ai vu si souvent se dérouler de ces drames navrants. C’est au chevet d’une mourante que je l’apprends d’ordinaire, alors que la mort la réclame, la moribonde ose faire des confidences, elle raconte ses luttes, ses douleurs, ses angoisses, que dis-je, c’est toujours la même fin : si elle reste honnête, elle meurt de misère, et si, par notre barbarie, le désespoir la fait tomber, elle meurt de honte. Mais partons. Cependant, monsieur, vous m’assurez que vous n’avez rien de fâcheux à apprendre à la famille Daulac à laquelle je m’intéresse. Un nouveau malheur tuerait ma patiente, tandis que, si l’on parvenait à rendre l’espérance à ce cœur brisé, on pourrait encore prolonger la vie de quelques années. Vous voyez que j’ai le droit d’exiger de la prudence.

— Monsieur, je suis Paul Bienville. Je veux annoncer moi-même à madame Daulac que ses biens vont lui être rendus et être le premier à lui apprendre qu’elle ne doit plus s’inquiéter. Puisque j’ai eu le malheur de gagner contre elle