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çonné aux goûts, aux sentiments, aux idées de sa compagne ; même, il semble qu’un courant électrique lui fait ressentir tous ses petits malaises, tous ses petits caprices ; vraiment c’est un plaisir de voyager avec des époux si bien assortis. Il peste lui aussi contre ma famille excentrique, qui veut tout voir et ne rien perdre du voyage. Le vent se calme, il est midi que font-elles, à présent mes grandes filles ? elles écrivent, leur plume court, avec la rapidité de l’éclair, sur le papier. Que griffonnent-elles, j’en suis curieux. Je voudrais bien pouvoir me pencher sur leur manuscrit pour lire leurs pensées. En les voyant, certes je ne leur aurais pas soupçonné des goûts littéraires ; on a de ces surprises dans la vie !

Nous filons, nous filons, toujours, les jolis villages se succèdent de chaque côté de la rive, les montagnes, les collines, les vallons, les plaines immenses disparaissent tour à tour et mes grandes filles écrivent encore. Mon Dieu, mon Dieu, comme elles y vont, quelle ardeur, pas une seconde de repos depuis deux heures, figurez-vous donc avoir pour compagne de sa vie une femme comme celles-là. Je plains d’avance le malheureux destiné à ce supplice. Je vois d’ici votre sourire narquois, comme ma mère vous me traitez de vieux garçon, sans cesse mécontent de la plus belle partie du genre humain, n’avouant jamais que nous