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parlé de moi-même, je vous ai laissé tout deviner, et il faudrait pour cela perdre en un instant, dans votre opinion, tout ce que m’a acquis ma correspondance avec vous au moyen du pseudonyme ? Ah ! Gaston, vous vous dites malheureux à cause de moi, mais ne suis-je pas plus à plaindre que vous ? vous m’ignorez, je vous connais ; je vous avais vu vingt fois avant de vous écrire, sans vous avoir jamais parlé j’avais déjà compris tout ce que vous étiez pour moi ; maintenant que j’ai lu dans votre âme, que vous m’avez appris votre caractère, que j’ai découvert jusqu’à quel point vous possédez ces qualités appartenant à l’idéal, que tout mortel dans des moments de douces rêveries se crée au début de la vie, comprenez-vous ce que je souffre ?

« Oui, comme vous me l’avez dit, je n’aurais pas dû vous écrire, ne vous voyant plus j’aurais peut-être oublié ! Mais votre parole parvenant jusqu’à moi, avait des accents qui me laissaient ravie, charmée. Après vous avoir lu, je voulais vous relire. Lorsque vous me disiez : Laure, je vous aime. Insensée, je répétais, il m’aime. Ai-je pu le croire ? est-il possible, durant près de trois mois j’ai pu m’abuser au point d’oublier que j’étais l’énigme du sphynx, qu’il fallait à tout prix deviner, vous pouviez avoir recours à tous les moyens, même emprunter le langage de la passion, auquel nulle