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avait donc une page cruelle dans son existence dont jusqu’alors elle lui avait fait mystère ? Qu’allait-elle lui révéler ? Anxiété cruelle ! que n’aurait-il donné à cette heure pour pouvoir lui dire :

— Aimez-moi, aimez-moi. Je veux vous consacrer ma vie ; je veux par ma tendresse, je veux par mon amour vous faire oublier ce passé qui vous oppresse.

Qu’aurait-il donné à cet instant pour pouvoir la presser sur son cœur et lui demander d’être sa femme, sa femme chérie, la compagne de ses joies, la consolation de ses chagrins, la mère de ses enfants. Mais un obstacle les séparait, les larmes qu’il voyait couler, il n’avait pas le droit de les sécher. Combien était grande l’amertume de son âme. Voir souffrir celle qui est pour vous plus que tout au monde, et être impuissant à la soulager ; sentir que tout vous unit ici bas, lorsque la fatalité vous ordonne de vous quitter, aimer qui vous aime, trouver l’idéal de vos rêves pour n’éprouver que les angoisses de la séparation ; enfin voir le ciel entr’ouvert devant vous pour être précipité dans un lieu de douleur éternelle. Voilà tous les tourments qu’éprouvait Georges en contemplant près de lui la femme de son choix. En regardant ce visage charmant, ces traits délicats empreints de tant de souffrances, il éprouvait des regrets si cuisants qu’il n’avait