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plus grandes peines qu’ils y réussirent. Les défenseurs, forcés sur leurs fortifications, se jetèrent dehors, mais beaucoup périrent embourbés dans les marécages formés par la Dormoise ; d’autres s’étaient retirés au château avec leurs deux chefs. Mais ceux-ci, voyant toute résistance impossible, rendirent la place au duc de Lancaster ; celui-ci les fit prisonniers avec les gentilshommes qui les entouraient.

Quant au bourg, il était condamné : les Anglais ne pouvant y laisser une garnison avaient résolu de le détruire ; ils y mirent le feu le même jour, et, comme dans ce pays les parties essentielles des bâtiments sont en bois, Cernay fut bientôt en cendres. Puis ils se retirèrent dans un village voisin des quartiers du comte de March, village qui pourrait bien être Bouconville[1].

Le surlendemain, 1er  janvier, la même troupe, augmentée d’Eustache d’Auberchicourt, continuant sa marche à trois lieues environ à l’est de Cernay, avança jusqu’à la rive gauche de l’Aisne, à Autry[2], place forte qu’une situation exceptionnelle, au pied d’un roc surmonté d’un puissant château, et une grosse dérivation de l’Aisne destinée à alimenter le moulin, rendaient presque imprenable. Knighton[3], qui seul relate cet épisode, donne des détails topographiques si exacts qu’il faut qu’il les ait tenus d’un témoin oculaire. Ce bourg, ajoute-t-il, était bien fortifié et plus fort que Cernay. Malgré ces conditions favorables à une résistance, les habitants, à la nouvelle de l’approche des ennemis, s’enfuirent et se cachèrent dans les forêts épaisses qui couronnent les collines bordant la vallée de l’Aisne, de sorte que les Anglais ne rencontrèrent aucun obstacle. Sans doute ils pillèrent autant qu’ils purent ; mais il ne semble pas qu’ils aient incendié Autry. Les habitants n’y gagnèrent rien : Eustache d’Auberchicourt prit possession d’une place aussi peu défendue. De là, il leva toute sorte d’impositions sur les environs, garnit le château de vivres et finalement vendit Autry au duc de Bar, le 16 juin 1360, moyennant 7,000 florins d’or de principal[4].

N’ayant rencontré aucune résistance à Autry et la journée

  1. Bouconville, Ardennes, arr. de Vouziers, cant. de Monthois. Bouconville est sur la route que durent suivre les Anglais de Cernay à Autry.
  2. Autry, Ardennes, arr. de Vouziers, cant. de Monthois. Sur cette localité, voir un Incident de frontière dans le Verdunois, Bibliothèque de l’École des chartes, année 1893, t. LIV, p. 347, note 2.
  3. Twysden, Rerum Anglicarum… scriptores X, t. II, col. 2622.
  4. Froissart, éd. Luce, t. V, p. lxviii, note 8.