Page:Binet - L’étude expérimentale de l’intelligence.djvu/103

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différente des indications du texte ; parfois elle leur est contraire.

Tout cela se trouve noté dans une observation écrite qui m’a été fournie par M. C…, professeur de l’Université ; il a rédigé ces observations avec beaucoup de conscience, et peut-être aussi, comme on le verra en lisant entre les lignes, avec le désir de traiter la question dans son ensemble. Les observations ont été faites pendant une lecture de la Dame de Monsoreau, roman de Dumas père ; les numéros de page indiqués se rapportent à l’édition de Calmann-Lévy, vol. 1.

« Pendant le cours rapide d’une première lecture et quand je parcours sans m’arrêter des pages entières, le caractère le plus fréquent de mes images mentales visuelles est de m’apparaître d’une manière fragmentaire, de ne me présenter les objets que par parties.

« La description suivante : « Une foule de gentilshommes de service montés sur de bons chevaux et enveloppés de manteaux fourrés » (p. 83) éveille chez moi la silhouette incomplète d’un cavalier, le torse d’un homme, sa tête, et le dos de la monture.

« Ces quatre mots : « une compagnie de Suisses » fera surgir l’image d’une tête casquée, d’une armure couvrant les épaules et un torse et d’une hallebarde portée sur l’épaule gauche (p. 183).

« En lisant cette phrase : « Je me rappelle avoir couru sur une pelouse » (p.226. C’est Mme de Saint-Luc qui parle), je vois mentalement un tapis de gazon vert, le bas d’une robe de teinte rose, laissant passer l’extrémité d’un pied.

« Autre exemple : « Quélus et Maugiron tressaient des rubans » (p. 185). Je n’ai vu ni les mains des mignons, ni leurs bras, ni leurs physionomies. Tout au plus, ai-je eu la représentation d’un corps indistinct dans l’obscurité. Mais j’ai vu distinctement une tresse de rubans mauves, comme tendue et suspendue dans l’air.