Page:Binet - L’étude expérimentale de l’intelligence.djvu/108

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centre. Marguerite est dans ce cas. Un prêtre de mes amis, M. G. R…, quand il lit un roman, se figure les scènes comme s’il les regardait d’un plan supérieur, de haut en bas ; par une complication surajoutée, il y a des personnes qui localisent certains souvenirs à droite ; et d’autres genres de souvenirs à gauche ; Armande m’a décrit il y a quelques années une sorte de triptyque, dont chaque panneau était réservé à une catégorie spéciale d’images : les images fictives étaient dans le panneau de droite, et les souvenirs se partageaient les deux autres panneaux, suivant leur date ; de même, une dame très pieuse, dont M. de Z… m’a autrefois communiqué l’auto-observation, se représente avec une localisation précise dans un grand tableau mental les diverses personnes pour qui elle doit dire des prières.


CONCLUSIONS ET HYPOTHÈSES


Je me suis efforcé, dans tout ce qui précède, de supprimer les considérations théoriques, et d’exposer seulement des expériences précises et détaillées. En ces matières, on a beaucoup trop théorisé et schématisé, et il est utile de substituer au raisonnement compliqué et à la théorie travaillée, quelques observations pures et simples, même naïves, données sans apprêt, et qui n’ont qu’un mérite, celui d’être prises d’après nature. Ce qui ressort avec évidence de ces observations, c’est que, chez certains sujets comme les nôtres, l’image n’a pas le rôle primordial qu’on s’est plu à lui attribuer.

Nos sujets ne me paraissent pas être des personnes exceptionnellement dépourvues d’images. Si Armande, comme nous le verrons plus loin, a des images assez faibles, — et encore, je les crois plus nettes que les miennes — en revanche Marguerite visualise avec beaucoup de netteté,