Page:Binet - L’étude expérimentale de l’intelligence.djvu/181

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temps d’évocation d’Armande sont à peine appréciables ; leur durée est la suivante : 7” — 8” — 5” — 5” — 5”. Voilà donc une première différence qui se maintient malgré l’exercice et l’adaptation. De plus, la longueur des phrases reste différente ; celles de Marguerite ont en moyenne 3 lignes, et celles d’Armande n’en ont qu’une et demie. Voici les phrases qui ont été écrites par les deux jeunes filles.

Cinq phrases écrites par Marguerite (9 novembre 1900) — Mlle X… vient aujourd’hui, et je suis ennuyée, car je n’ai pas pu faire mon piano ce matin, et ne le saurai peut-être pas.

Ce matin j’ai renvoyé Friquet (un chien) de la salle à manger, car il empêchait la chaleur d’entrer en se collant contre la bouche du calorifère.

Aujourd’hui, le temps est bien vilain, il pleut et il y a beaucoup de vent, c’est bien étonnant, car il a fait hier un temps magnifique.

Cette nuit j’ai rêvé beaucoup de personnes mortes sur le revers d’une route, elles avaient été attaquées là.

Leurs cadavres étaient très pâles, et ils semblaient durs comme du bois.

Nous sommes tout de même allées, Armande et moi, à la ville, à bicyclette, et nous avons rapporté à P… un porte-plume jaune et vert.

Cinq phrases écrites par Armande (9 novembre 1900). Il pleuvait, c’était l’hiver et les arbres secouaient tristement leurs branches mouillées.

Dans une gracieuse gondole, à Venise, on voit quelques têtes de passagers.

L’enterrement défile en silence et glisse le long des rues détrempées par la pluie.

Les corbeaux passent dans la nuit en croassant.

C’est le soir : la fumée blanche s’échappe des toits des maisonnettes.

Le caractère de ces phrases est le même que celui des phrases de la veille ; Marguerite ne s’occupe que de faits réels appartenant à sa vie privée, elle pense à sa leçon de piano,