Page:Binet - L’étude expérimentale de l’intelligence.djvu/298

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cours il y a un moment où je suis étonnée de le trouver plus long ou plus court. C’est pourquoi quand je répète sans arrêt, j’éprouve la même sensation et cela me facilite. ― D. Te représentes-tu la position de l’arrêt par rapport à ton corps ? ― R. Je ne me la représente pas. Je ne me représente rien du tout. Je ne pense qu’au parcours que je dois parcourir avec le doigt et je pense à le retrouver. Il y a quelque chose que je ne peux pas expliquer, pourtant je le sens, c’est au moment où… je sens très bien que je ne suis pas loin de l’arrêt. Je ne sais pas ce qui me l’indique pourtant. »

On remarquera que, d’après cette description assez précise, c’est l’état subjectif qui guide la main ; état subjectif comprenant non seulement des sensations tactiles, mais encore les idées, comme l’idée de s’arrêter, l’imminence de l’arrêt, les hésitations, et un état mystérieux de prévision, quelque chose qui ressemble à un pressentiment[1]. La longueur réelle, objective, du chemin à parcourir n’est point représentée, ni même pensée. Enfin, Armande juge qu’elle fait trop petit, bien qu’elle ne connaisse pas exactement les erreurs qu’elle commet, c’est un jugement qui a pour origine une analyse psychologique : l’observation qu’elle a toujours l’idée de s’arrêter trop près.

Voici les explications de Marguerite.

Interrogatoire de Marguerite. — « Je tâche de retrouver la position que j’avais quand je suis arrivée à la règle. ― D. Détaille. ― R. La seconde fois j’essaye de faire une répétition. Je me dis : on va s’arrêter tout près. ― D. Et quand il n’y a plus d’arrêt ? ― R. Je cherche à me rappeler l’endroit, la position où j’avais mon bras quand j’étais arrêtée. Puis, dans mon idée, je mesure à peu près la distance. ― D. Comment te rends-tu compte de la position de ton bras à la fin, pour le retrouver ? ― R. Je

  1. Armande a eu parfois des impressions de déjà vu et les a notées, à l’âge de 11 ans, avec une curieuse précision.