Page:Binet - L’étude expérimentale de l’intelligence.djvu/308

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d’introspection que la psychologie subjective a employées exclusivement, quand elle ne se contentait pas d’imaginer et de raisonner. Mais avec un peu d’attention, on remarquera que même dans celles de mes recherches qui ressemblent le moins à des expériences, je n’ai pas perdu de vue ce qui est l’âme de la méthode expérimentale, le contrôle ; le seul fait que dans ces conversations il y avait un observateur et un observé, et que l’observé ignorait les idées et les théories de l’observateur, est une garantie que les réponses n’ont pas été viciées par l’auto-suggestion, cette formidable erreur de psychologie qu’on devrait afficher dans toutes les avenues de notre science, comme les descentes dangereuses pour les cyclistes. Pour éviter autant que possible une autre cause d’erreur, la suggestion de l’observateur à l’observé, j’ai adopté et suivi inflexiblement un principe de première importance, celui d’écrire de suite et sans aucune exception tout ce qui se dit pendant la séance. Ne point tenir compte des paroles échangées, c’est s’exposer de gaieté de cœur aux erreurs les plus graves ; car un mot, un simple mot dit par l’expérimentateur peut changer complètement les dispositions mentales du sujet. Les études récentes que j’ai publiées sur la suggestibilité à l’état de veille m’ont démontré que cette cause d’erreur agit d’une manière incessante ; la négliger, c’est commettre une négligence équivalente à celle d’un bactériologiste qui ferait ses recherches si délicates de culture dans un milieu sale.

Le but principal de ce livre a été d’étudier dans l’idéation ce qu’il y a de personnel à chacun de nous ; et nous avons fait un long parallèle entre deux fillettes dont nous avons étudié avec détail les idées, les images et les mots. Malgré le soin mis dans ces études, malgré les circonstances exceptionnelles qui en ont favorisé la précision et l’étendue, nous ne sommes arrivés qu’à de petites vérités partielles, n’atteignant pas ce qui avait été autrefois