Page:Binet - L’étude expérimentale de l’intelligence.djvu/59

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qui sont en nombre insignifiant. Or, nos deux sujets sont des enfants qui appartiennent rigoureusement au même milieu ; malgré une petite différence d’âge, qui est de 18 mois, elles sont élevées comme deux sœurs jumelles, suivent les mêmes cours, ont les mêmes distractions et ne se quittent pour ainsi dire jamais. Est-il vraisemblable qu’elles ne parlent pas la même langue ? En y regardant bien, on se convaincra que ce n’est pas là une objection contre notre recherche ; c’est plutôt un encouragement à l’entreprendre. Il s’agit de savoir si des différences d’idéation peuvent entraîner directement, et sans autre secours, des différences de langage ; or, pour qu’un problème de ce genre puisse être résolu, il faut évidemment que toutes choses restent égales d’ailleurs, c’est-à-dire que les sujets comparés au point de vue du langage soient comparables pour tout le reste.

C’est la grande difficulté à vaincre lorsqu’on compare le langage de sujets pris dans des milieux différents ; pour arriver à déterminer ce qui, chez eux, est dû à un facteur intellectuel, il faut régler les expériences de manière à éliminer les variations dans les conditions extérieures, ou de manière à interpréter ces variations et en tenir compte ; y arrive-t-on toujours ? Je ne sais. Mais, ici, l’étude de nos deux fillettes nous fournit une occasion exceptionnelle pour cette élimination ; le milieu est identique pour les deux, aussi identique du moins qu’il peut l’être.

Les documents à étudier sont nombreux ; je pourrais utiliser les cahiers de devoirs des deux fillettes, ou les rédactions qu’elles ont écrites devant moi pour des expériences de psychologie ; mais ce que nous trouvons dans ces documents, ce sont des phrases, et je ne me sens pas en mesure encore d’étudier ce tout organique qui constitue la phrase ; c’est un produit trop complexe pour que je puisse en faire l’analyse psychologique avec quelque précision. Laissant de côté la syntaxe, quoique je ne me