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quels se manifeste la demi-inconscience de son idéation. On remarquera que ces résultats permettent de répondre à une question que nous venons de poser. Les transitions inconscientes sont beaucoup plus fréquentes dans les séries d’Armande que les mots inconscients. Le nombre de ses mots inconscients par séance, ou pour 60 mots écrits, n’est jamais monté jusqu’à 30 ; il a été, à la première séance, de 23 ; dans les séances suivantes, il a oscillé autour de 15. Il y aurait donc, pour parler en termes approximatifs, deux fois autant de transitions inconscientes que d’idées inconscientes. Cette proportion ne doit sans doute pas être généralisée dans son chiffre exact ; mais j’ai une tendance à croire qu’elle exprime un fait assez constant.

Nous nous rencontrons ici avec W. James qui, décrivant le cours de la pensée, y distingue des parties substantielles et des parties transitives ; la pensée c’est comme un oiseau qui tantôt vole, tantôt se penche ; James dit que les transitions, les vols, sont accompagnés d’une conscience plus faible que les posés[1].

Voyons maintenant ce que sont ces transitions, et examinons comment s’en rendent compte des enfants qui ne connaissent aucune théorie sur les associations des idées, mais qu’un assez long exercice de l’analyse mentale a rendus habiles à lire en eux-mêmes.

Ce qui m’a tout d’abord frappé, c’est de rencontrer dans leurs chaînes d’idées un dessin général.

La série de 20 mots ne se compose pas comme un chapelet dont tous les grains seraient égaux et placés à égale distance ; il y a des groupements : une série de mots est dominée par une idée commune ; elle forme une unité ; puis commence une autre série, qui provient d’une inspiration différente, soit qu’elle ait son origine dans une

  1. James, Psychology, I, ch. iv, p. 243.