Page:Binet - L’étude expérimentale de l’intelligence.djvu/78

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du mot ; elles n’ont jamais cherché à ajouter un mot à celui que je prononçais, ni une idée nouvelle à celle que le mot suggérait ; elles sont restées sur l’idée qu’on leur présentait, la transformant quelquefois, mais ne la remplaçant pas par une autre ; il ne s’est donc pas produit, à proprement parler, d’associations d’idées. J’ai à peine besoin d’ajouter que je prenais toutes les précautions nécessaires pour ne pas influencer mes sujets. Les mots étaient écrits d’avance et visibles de moi seul ; je les lisais d’une voix blanche, j’évitais de regarder l’enfant, par crainte de le distraire ou de le troubler, j’attendais sa réponse sans montrer d’impatience et je l’écrivais sans faire de critiques. L’enfant était seul avec moi, dans une pièce bien tranquille. C’est une expérience que j’ai répétée à satiété, pendant deux ans ; il y a eu une vingtaine de séances, et dans chacune 25 à 30 mots étaient utilisés.

Je me bornerai, dans ce chapitre, à prendre de cette expérience tout ce qui est analogue à l’expérience antérieurement décrite sur la chasse aux 20 mots. Dans celle-ci, chaque mot écrit par le sujet éveillait le plus souvent une idée unique ; et parfois même il n’en éveillait aucune. Dans l’épreuve nouvelle, la règle est toute différente ; le mot prononcé par moi qui n’éveille aucune idée est une exception, même chez Armande ; le plus souvent, le mot éveille plusieurs idées différentes, et même disparates, qui tantôt se succèdent régulièrement, tantôt se combinent et s’embrouillent les unes dans les autres ; le nombre de ces idées eût augmenté, si l’on avait permis une attente plus longue ; les constatations que nous faisons supposent une idéation qui dure en moyenne de 5 à 7 secondes, temps moyen de réaction que nos sujets ont adopté spontanément. Il est probable que cette richesse d’idéation tient à ce que chaque fois on appelle fortement l’attention du sujet sur le sens d’un mot particulier, qui lui est présenté