Page:Binet - L’étude expérimentale de l’intelligence.djvu/8

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matérielles de l’expérience, et on s’est efforcé de réduire au minimum le rôle des personnes servant de sujets, et devant donner des renseignements sur leurs états de conscience.

Le mouvement nouveau, qui se dessine depuis plusieurs années, et auquel j’ai contribué de toutes mes forces, avec la collaboration de plusieurs de mes élèves, et en toute première ligne avec l’aide si précieuse de mon cher ami V. Henri, consiste à faire une plus large place à l’introspection, et à porter l’investigation vers les phénomènes supérieurs de l’esprit, tels que la mémoire, l’attention, l’imagination, l’orientation des idées. Deux ordres d’oppositions sont faites contre cette rénovation des études psychologiques : l’une vient de certains psychologues de l’époque Wundtienne, qui croient encore qu’en dehors des processus les plus simples de l’esprit aucune expérimentation sur le moral ne peut se faire scientifiquement ; l’autre opposition vient des représentants, toujours officiels, de l’ancienne psychologie introspective, qui nous demandent si par hasard nous n’allons pas, par un retour en arrière mal déguisé, emprunter aux vieux philosophes de l’école de Cousin ces méthodes d’auto-contemplation dont nous avons tant ri.

Je crois donc utile de montrer, dans cette introduction, comment l’étude expérimentale des formes supérieures de l’esprit peut être faite avec assez de précision et de contrôle pour avoir une valeur scientifique.

Une première objection vient de suite à l’esprit. Comment faire une étude expérimentale sur des phénomènes de conscience qui sont insaisissables ?

L’expérimentation, de quelque manière qu’on la définisse, et on sait combien de définitions elle a reçues, implique une intervention active de l’expérimentateur dans les phénomènes à étudier ; elle suppose l’existence d’un couple de faits, couple dont un des termes est placé hors de nous,