Page:Binet - L’étude expérimentale de l’intelligence.djvu/81

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Tu penses donc à la fois à ces deux espèces de voitures ? — R. C’est une pensée tout à fait volontaire. Tu dis le mot : Voiture. Je me dis alors : faut-il que j’aie pensé à un fiacre, ou à autre chose ? Je ne pense pas naturellement. Je ne sais pas même m’expliquer. » Nous trouvons au contraire que Marguerite s’explique à merveille. On ne saurait mieux dire que son idéation ne va pas à la dérive, comme dans la rêverie, mais subit une direction volontaire, une adaptation raisonnée. De là une petite conséquence bien curieuse : les scrupules de Marguerite. D’abord, elle ne se sent pas certaine de diriger son idéation de la manière qui est nécessaire ; puis il lui semble que ce n’est même pas une expérience. Puisqu’elle est maîtresse de penser à ce qu’elle veut, semble-t-elle dire, comment peut-on trouver là dedans un objet d’étude ? Comment peut-on s’arrêter à l’examen de l’une de ces idées, puisqu’elle aurait pu tout aussi bien en évoquer une autre ?

Il reste cependant une obscurité dans l’explication précédente. Marguerite ne nous a point appris si elle hésite entre plusieurs pensées, ou entre plusieurs images. Armande a été plus claire ; elle nous dit : « Il n’y a pas encore d’images (au moment de ce choix) et je sais pourquoi il n’y en a pas ; quand il y a plusieurs choses à chercher, par exemple maison, il y a plusieurs maisons, il faut choisir ; alors, j’y pense sans rien me représenter comme image. » Au reste, je ne puis pas affirmer que cet effort de direction sur l’image soit toujours déployé ; il est probable que, dans certains cas, l’image se présente toute seule, sans être appelée.

Quoi qu’il en soit, examinons maintenant le point d’aboutissement de ce travail mental, et comparons les deux sœurs.

L’idéation de Marguerite ne diffère pas, en nature, de celle que le test sur la recherche des mots nous a fait