Page:Binet - L’étude expérimentale de l’intelligence.djvu/85

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tes poussiéreuses de la forêt qu’elle a parcourues à bicyclette cet été ; au contraire, Armande évoque le souvenir d’un incident minuscule de chemin de fer, incident qui date de 2 à 3 ans ; le mot gare donne à Marguerite l’idée de la gare, qui est à 20 pas de notre maison ; ce même mot donne à Armande le souvenir d’une charade avec le mot cigare, qui a été jouée trois ans avant ; c’est un souvenir d’autre nature et bien plus complexe.

Mieux encore, le mot cheveux, qu’on dit à Marguerite, la fait penser à la chevelure de son amie C…, qu’elle vient de quitter, tandis que la pensée d’Armande va chercher un médaillon avec paysage en cheveux qu’elle n’a pas vu de la journée.

Les objets présents, si nombreux dans les réponses de Marguerite, sont ici réduits à 1, et les objets personnels à 1. Encore une fois, Armande se montre insensible au monde extérieur qui l’entoure et détachée de sa personnalité physique. C’est une confirmation bien intéressante du test sur la recherche des mots.

En revanche, son idéation abstraite paraît s’être considérablement amoindrie ; je compte seulement 9 images abstraites et 5 images inconscientes (elle a pensé à une main, par exemple, ou à l’amertume, ou à un impôt, sans rien se représenter). Je m’attendais, je l’avoue, à une idéation abstraite beaucoup plus abondante. J’attribue cette diminution à la forme même de l’expérience, qui, fixant l’attention sur le mot, oblige à en préciser le sens. Les images fictives sont relativement nombreuses et bien définies ; enfin, il y a eu 6 représentations purement verbales (pour Menton, Pompéi, main, éléphant, mur, larmes) et c’est d’autant plus important à noter que Marguerite n’a donné presque aucune représentation verbale. En additionnant les images fictives, verbales, inconscientes et abstraites, on arrive à un total de 25 ; la même catégorie n’était représentée, pour Marguerite, que par 10.