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ET CRITIQUE

Il est vrai que c’est Baïf qui a le plus fait pour acclimater en France les vers « mesurés » ou « métriques », composés de syllabes longues et brèves sur le modèle des vers hexamètres, pentamètres, alcaïques, saphiques, phaléciens, etc., des poètes gréco-latins ; et cela, de concert avec le musicien Thibaut de Courville, à partir de 1567. Mais d’autres poëtes de la Brigade en ont composé bien avant lui : Jodelle en 1553, Nic. Denisot en 1555. Est. Pasquier en 1556, Cl. Buttet en 1558-60. Cf. Frémy, op cit., pp. 27 à 37 ; Œuvres d’A. de Baïf, éd. M.-L., tome V, 295 ; E. Pasquier, Recherches, liv. VII, chap. xi (édition des Œuvres choisies par Feugère, II, 78, et la note) ; H. Chamard, éd. de la Deffence et Illustr., p. 114, note 5, et Cl. Jugé, thèse sur Nicolas Denisot, pp. 74 et 104.

P. 11, l. 40. — une academie. Que faut-il entendre par là ? D’après E. Faguet, ce serait « une réunion libre de jeunes et vieux étudiants » (Seiz. siècle, p. 201). D’après H. Chamard : « En dehors des élèves qui vivaient à demeure au collège, il y avait ceux de l’extérieur qui suivaient les cours à titre bénévole ; car Dorat, non content d’enseigner en privé, semble avoir pratiqué dès ce temps-là les grandes leçons publiques. C’est là sans doute ce qu’il faut entendre par cette académie que le docte humaniste avait, selon Binet, établie au collège de Coqueret. À certaines heures il réunissait autour de sa chaire tous les étudiants, jeunes ou vieux, qu’animait la passion de s’instruire. Ainsi s’explique qu’il ait compté dans son auditoire des savants comme Muret, des seigneurs comme Carnavalet, des évêques comme Lancelot Carles. » (Thèse sur J. du Bellay, p. 46.)

Mais si l’on devait interpréter ce mot ainsi, on ne voit pas pourquoi Ronsard, afin de « ne pas perdre une si belle occasion » eût été obligé d’aller « se loger chez Dorat » ; il n’avait pas besoin de devenir pensionnaire de Dorat pour suivre des cours publics. D’après le contexte (jusqu’à « ... mais recourir aux fonteines des Grecs » inclusivement), il semble bien que Binet ait entendu par une « académie » des cours supérieurs de grec, réservés aux « escoliers » de Dorat. — Quant à la présence de Carnavalet, de Muret et de Carle aux leçons de Dorat, j’exprime à ce sujet des doutes dans les notes qui leur sont consacrées ci-dessus, p. 90, et ci-après, pp. 104 et 105.

P. 12, l. 4. — grand avancement. Cf. J. Velliard : « Gestit animus commemorare quam benignè et comiter sibi mutuas operas tradebant. P. Ronsardus qui jam tum non solum multorum mores et urbes noverat, sed etiam in aula lepores et meras delicias linguae Gallicae fuerat aucupatus, quod in Gallicis noverat Antonio Baïffio lubens impertiebatur, ut ab eodem Graecarum literarum intelligentiam mutuaretur. » (Laud. fun. I, fo 8 ro.)

La phrase de Binet et celle de Velliard ont une telle similitude que l’une dérive certainement de l’autre, à moins qu’elles n’aient une source commune (peut être un récit de Dorat ou un récit de Baïf). En tout cas, elles contiennent la raison de la différence qui existe entre le talent de Ronsard et celui de Baïf. Il est incontestable que Baïf, — qui dès sa plus tendre enfance avait été exercé à l’étude du latin et du grec par les meilleurs maîtres (Charles Estienne et Bonamy pour le latin,