Page:Binet - La Vie de P. de Ronsard, éd. Laumonier, 1910.djvu/170

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
110
COMMENTAIRE HISTORIQUE

duite dans sa Vie de Ronsard (cf. l’éd. Blanchemain, Paris, Aubry, 1855, p. 70) Les Œuvres de Ronsard, que j’ai examinées dans toutes leurs éditions fragmentaires et collectives du xvie siècle, ne contiennent pas le moindre document qui justifie cette affirmation de Binet. D’après la var. de C et le délayage qu’en a fait Colletet, les deux biographes ont fait une grave confusion ; ils n’ont pas compris le passage de la préface des Odes de 1550 relatif aux pièces du premier Bocage (Bl., II, 10 ; voir ci-après, p. 112, aux mots « en ce mesme temps ») ; ils ont confondu les odes dont la strophe initiale, modèle des strophes subséquentes, n’observe pas l’alternance des rimes f. et des rimes m., mais qui n’en sont pas moins très régulières, avec les odes irrégulières, dont les strophes subséquentes diffèrent de la strophe initiale par l’agencement des rimes de même genre. La Complainte de Glauque est parfaitement « mesurée et propre à la lyre », chaque strophe étant identique à la strophe initiale quant à l’ordre des rimes de même genre. La meilleure preuve, c’est que Ronsard ne l’a pas reléguée dans son 1er Bocage et l’a toujours conservée parmi les Odes (Bl., II, 221 ; M.-L., II, 285) — On ne doit pas se fonder sur l’absence des rimes f. et des rimes m. dans la strophe pour distinguer les odes par lesquelles Ronsard débuta, car il n’a observé cette alternance ni dans les odes pindariques, qui ne marquent pas ses débuts, ni dans un bon nombre d’odes ordinaires et de chansons dont la composition est postérieure à l’apparition de ses Quatre premiers livres des Odes.

La première ode française composée par Ronsard est l’ode A son Luc qui commence par : Si autrefois sous l’ombre de Gastine (Bl., II, 394). Nous le savons par une note que le poète a fait imprimer en tête de cette ode dans la prem. éd. collective de ses Œuvres (1560). Entre une déclaration de Ronsard, datée de 1560, et une affirmation de Binet, datée de 1587, il n’y a pas à hésiter, il faut s’arrêter à la déclaration du poète ; d’ailleurs la vérité s’impose à la simple lecture de la première strophe de l’ode A son Luc. (V. mes articles de la Rev. d’Hist. litt. de la Fr., 1903, p. 77, note 6, et 260, note 7, et ma thèse sur Ronsard p. lyr. pp. 35 à 39).

P. 14, l. 30. — Anagrames. Ce n’est pas Dorat qui a le premier appris aux Français la façon des anagrammes. Il suffit pour s’en convaincre de parcourir les œuvres des Rhétoriqueurs. Ainsi Jehan Bouchet signait de son anagramme Ha bien touché ; Jean Marot a écrit un rondeau sur l’anagramme Tout bien l’agrée (éd. Coustelier, p. 250). Du Bellay dit lui-même que l’anagramme était, ainsi que l’acrostiche, « chose fort vulgaire en nostre langue » (Deffence, II, ch. viii). Cf. Joly, Rem. crit. sur le Dictionn. de Bayle, art. Daurat, p. 305 ; H. Chamard, thèse sur Joachim du Bellay, p. 56, note 4. Binet semble avoir attribué faussement à Dorat la priorité en ce mince domaine d’après ce passage de l’Eloge de Dorat publié par Papire Masson en 1588 : « Primusque artem illam ex vetustissimis poetis prius ignotam ad nos attulit. » Cf. Marty-Lav., Notice sur Dorat, xl à xliii. — Dorat, en imitant et préconisant les anagrammes à la manière de Lycophron, ramenait inconsciemment ses élèves à l’école des Rhétoriqueurs.

P. 14, l. 31. — Rose de Pindare. Cf. les Xenia de Ch. Utenhove