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ET CRITIQUE

Quant au voyage même de Ronsard, non pas à Poitiers seulement, comme on pourrait le croire d’après Binet, mais en Gascogne, jusqu’aux « monts blancs »

Qui ont l’échine et la teste et les flancs
Chargés de glace et de neige eternelle.


c’est, pour moi du moins, une énigme, à pareille date. Le poète nous dit qu’il n’était plus alors au service de la Cour. Quelle nécessité le força donc à quitter l’enseignement de Dorat pour entreprendre un semblable voyage ? Il profita sans doute du moment où son maître accompagnait le roi à Bapaume et des vacances qui suivirent (juin à septembre 1547). Est-il allé, comme l’a pensé M. Lanusse (thèse fr. de 1893, p. 137) à Condom, voir son parent Ch. de Pisseleu, titulaire de cet évêché depuis 1545 ? A-t-il été chargé d’une mission par Henri II, ou par Marguerite de France, ou par son « seigneur » Antoine de Bourbon, auprès de Marguerite de Navarre, qui, inconsolable de la mort de son frère, résidait alors dans ses châteaux pyrénéens ? Nous ne saurions nous prononcer sur ce point obscur de la jeunesse de Ronsard. C’est vraisemblablement durant ce voyage qu’il écrivit l’odelette Sur la mort d’une haquenée, qui tomba dans le fossé d’un château fort « sous les fatales Pyrénées » (Bl., II, 437).

P. 15. l. 28. — aux Muses. Source, la Complainte à la Royne Mere du Roy, écrite en 1563 :

Je pleurois du Bellay, qui estoit de mon age
De mon art, de mes mœurs et de mon parentage.
(Bl., III, 371.)

Les deux poètes étaient cousins par leurs grand’mères maternelles, qui toutes deux étaient de Beaumont. La grand’mère maternelle de Joachim Du Bellay était née Catherine de Beaumont, et celle de Ronsard Joachine de Beaumont (Léon Séché, Rev. de la Renaiss. de février 1901, p. 83 ; Hallopeau, le Bas-Vendômois, p. 90).

P. 15, l. 32. — languissante. Source, la préface de l’éd. princeps des Quatre premiers livres des Odes : « Je fu maintes fois avecques prieres admonesté de mes amis faire imprimer ce mien petit labeur... Et mêmement solicité par Joachim du Bellai, duquel le jugement, l’etude pareille, la longue frequentation, et l’ardant desir de reveiller la Poësie Françoise avant nous foible et languissante... nous a rendus presque semblables d’esprit, d’inventions et de labeur. » (Bl., II, 11 ; texte rectifié par M.-L., II, 475.)

P. 15, l. 33. — à la Françoise. C’est à Rome seulement (1553-1557) que Du Bellay se mit à écrire des vers latins qui furent recueillis sous le titre de Poëmata (cf. H. Chamard, op. cit., pp. 358 et suiv.). Maints documents indiquaient leur date à Binet, entre autres ce début d’un sonnet de Ronsard adressé à Du Bellay en 1555 :

Cependant que tu vois le superbe rivage
De la riviere Tusque et le mont Palatin,
Et que l’air des Latins te fait parler latin,
Changeant à l’estranger ton naturel langage,
Une fille d’Anjou me detient en servage...
(Bl., I, 151.)