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COMMENTAIRE HISTORIQUE

D’après G. Colletet, Ronsard avait « marqué et annoté de sa main propre » un exemplaire des « diverses rymes italiennes » du cardinal Bembo (Vie de Ronsard, publiée par Blanchemain, p. 58). La forme Bembe est courante au xvie s. (v. par ex. Du Bellay, Deffence, éd. Chamard, pp. 162 et 329 ; E. Pasquier, Recherche de la Fr., VII, chap. iv, début).

Naugere, c’est Naugerius, nom latin du poète et ambassadeur vénitien Andrea Navagero, qui a laissé un livre de poésies latines publié sous le titre de Lusus un an après sa mort, en 1530 (Venise, J. Tacuino). Les poètes de la Brigade l’ont beaucoup imité, surtout Du Bellay, Ronsard et Baïf. Voir l’Epitaphe d’André Nauger, au 3e livre des Passetems de Baïf (éd. Marty-Lav., tome IV, p. 331) ; la thèse de H. Chamard sur J. du Bellay et ma thèse sur Ronsard p. lyr., Index.

Fracastor, c’est le médecin-poète de Vérone, mort en 1553. Entre autres œuvres latines, il a composé un poème en trois livres, intitulé Syphilis, sive De morbo gallico et dédié au cardinal Bembo. Ce poème eut un succès prodigieux en Italie et à l’étranger. Ronsard compte Fracastor parmi les bons poètes latins : « De nostre temps, dit-il dans la préface posthume de la Franciade, Fracastor s’est montré tres excellent en sa Syphilis, bien que ses vers soient un peu rudes ». (Bl., III, 22.)

P. 44, l. 39. — un tel homme. Blanchemain a publié cette lettre en 1867, d’après une « copie » communiquée par un « amateur » (éd. de Ronsard, VIII, p. 174). — A. de Rochambeau en 1868 a joint au texte de Blanchemain rectifié un fac-similé de l’original (Famille de Ronsart, p. 8). — Enfin Marty-Laveaux a donné de ce fac-similé une transcription meilleure mais encore fautive (éd. de Ronsard, VI, p. 485). — Nous la reproduisons avec de nouvelles corrections[1] :

« Bons dieux ! quel livre m’avez-vous donné de la part de monsr de Ste Marthe. Ce n’est pas un livre, ce sont les Muses mesmes, j’en jure tout nostre mysterieux Helicon, et s’il m’estoit permis d’y assoir mon jugement je le veulx preferer à tous ceulx de mon siecle, voire quand Bembe et Naugere et le divin Fracastor en devroient estre courroussez, car, ajoignant la splendeur du vers nombreux et sonoreux à la belle et pure diction, la fable à l’histoire, et la philosophie à la medecine, je di deus deus ille Menalca et le siecle heureux qui nous a produit un tel home. C’est assez dit, je m’en vais dormir. Je vous donne le bon soir. Ronsart. »

Sc. de Sainte-Marthe, auquel Baïf avait communiqué cette lettre dès 1584, la traduisit en latin et la fit imprimer comme une glorieuse préface, en tête de toutes les éditions postérieures de la Paedotrophia (y compris celles des Poëmata, 1587, 1596, 1606. etc). Voici cette traduction telle qu’on la trouve dès la seconde édition, publiée en 1585 (Poitiers, J. Blanchet) :

  1. Je lis dieux au lieu de Dieux ; Muses au lieu de muses ; nostre mysterieux au lieu de mon mysterieux ; devroient au lieu de devroit ; ajoignant au lieu de joignant ; deus deus au lieu de Deus, Deus ; Ronsart au lieu de Ronsard.