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BUT DE CE LIVRE

3o Parlons donc enfin, après toutes ces distinctions et limitations, du thème que nous avons choisi. Nous avons dit que la dernière des trois questions entre lesquelles se partage la pédagogie porte le titre suivant : les aptitudes des enfants.

Et, en effet, théoriquement, un exposé complet de l’enseignement comprend trois subdivisions : ce qu’on enseigne — ce sont les programmes ; comment on enseigne — ce sont les méthodes ; qui on enseigne — ce sont les enfants. Nous examinerons donc la pédagogie dans ses rapports immédiats avec les enfants et les écoliers ; — et particulièrement avec les garçons, écoliers de six à quatorze ans ; — nous chercherons à savoir ce qu’ils sont, en quoi consiste l’art de les connaître ; nous montrerons que cet art n’a pas pour but de nous donner le plaisir charmant de pénétrer dans leur âme, de nous jouer leurs idées et leurs émotions, mais qu’il s’agit de dégager leurs aptitudes réelles, afin de couper à leur mesure l’enseignement qu’ils reçoivent. C’est là une des parties les plus négligées de l’éducation, et je ne crains pas de dire qu’on surprendrait beaucoup de pédagogues en leur apprenant qu’elle existe.

Dans la centaine de livres d’éducation qui se publie annuellement, on ne trouve souvent pas une seule page, où l’auteur se soit inquiété des aptitudes différentes des enfants. L’enfant, pour ces pédagogues peu avertis, est une quantité négligeable. On semble admettre a priori que l’enfant n’est pas autre chose qu’un homme en miniature, homunculus, avec des atténuations en degré de toutes les facultés de l’adulte ; on admet encore qu’il existe un enfant type, et auquel tous ressemblent plus ou moins et on méconnaît ainsi toutes les différences qui existent, non seulement entre leurs caractères, leurs manières de sentir, mais aussi entre leurs manières de penser, et leurs aptitudes intellectuelles. Beaucoup de maîtres sont