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LES IDÉES MODERNES SUR LES ENFANTS

Ceux qui se sont donné la peine d’expérimenter savent seuls combien il est difficile de travailler sur une fonction mentale isolée. Tout exercice de mémoire, fait volontairement, suppose la mise en jeu de beaucoup d’autres facultés ; il implique au moins de l’attention et de la compréhension, et suivant les cas, suivant la forme donnée à l’épreuve, ce sera tantôt à la mémoire, tantôt à l’attention, tantôt à la compréhension qu’on fera l’appel le plus énergique. S’il s’agit de mots vides de sens, de chiffres, de phrases écrites en langue inconnue, et si le travail consiste à retenir tout cela en très peu de temps, c’est surtout l’attention qui est en cause. Si ce qu’on veut retenir se compose de phrases ayant un sens, et quand même ce sens serait facilement intelligible, alors, pour retenir on commence par comprendre, c’est-à-dire par assimiler ce qu’on apprend avec ce qu’on sait déjà, et le pouvoir d’intelligence entre grandement en jeu. De là vient que les enfants les plus intelligents ont l’air de posséder une meilleure mémoire que leurs camarades moins fortunés ; de là aussi la supériorité apparente des plus âgés. Pour mettre à nu la mémoire et rien que la mémoire, il faut s’arranger de telle sorte qu’on n’ait besoin ni de grande attention ni de grande compréhension ; ainsi, retenir des mots détachés, ou mieux encore retenir un récit intéressant, et le retenir longtemps, voilà la pierre de touche de la mémoire.

Conformément à cette distinction, on verra que les enfants les plus jeunes répètent moins bien que leurs aînés une série de chiffres, — car ils ont moins d’attention volontaire ; ils apprennent moins bien aussi, et moins vite un morceau par cœur, — car ils ont moins de compréhension ; mais en revanche ils retiennent tout aussi bien une série de mots, surtout si la série est assez longue pour qu’on ne puisse pas la répéter par le son. On peut montrer cela de bien des façons. Un psychologue américain, Kirkpatrick, fai-