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LA MÉMOIRE

sur une affaire compliquée, une description de gravure, par exemple, ou le compte rendu d’un récit, d’une conversation, ou l’exposé d’un événement qui s’est produit devant lui, si en plus on prend la précaution de demander au témoin qu’il affirme sous la foi du serment l’exactitude de ce qu’il rapporte, — on constate que lorsqu’il est de bonne foi, il ne fait jamais une déposition entièrement fausse, ne contenant que des détails faux ; il ne fait pas davantage une déposition entièrement exacte, d’un bout à l’autre ; constamment, il y a mélange de vérités et d’erreur ; et si la part d’erreur peut devenir très faible dans beaucoup de cas, néanmoins elle ne tombe presque jamais à zéro ; et tous les témoins qu’on a mis à l’épreuve se sont trouvés avoir affirmé par serment des faits faux, dans une proportion qui, approximativement, peut être évaluée à 25 %.

On voit donc avec quelle prudence on doit écouter un témoignage apporté avec sincérité, même par une personne intelligente et compétente ; rien ne doit en être accepté comme article de foi. On voit aussi qu’il serait dangereux de récuser un témoin, et d’accuser sa sincérité ou la fidélité de sa mémoire, parce qu’il a été surpris en flagrant délit d’erreur palpable sur un point particulier de sa déposition ; cela ne prouve rien pour les autres points sur lesquels il dépose, puisque l’erreur est un élément constant de tout témoignage. En somme, toutes ces constatations nous apprennent que le témoignage humain ne doit être placé ni trop haut ni trop bas ; il ne constitue jamais une preuve absolue, mais une présomption morale, dont la valeur a besoin d’être contrôlée par des preuves d’un autre ordre.

S’il faut apporter cette prudence dans l’appréciation de la parole d’un adulte, à plus forte raison doit-on accepter avec une prudence redoublée le témoignage des enfants ! La tendance des enfants au