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LES IDÉES MODERNES SUR LES ENFANTS

selon une règle générale, sont si prompts à affirmer sans mesure. Ce serait aussi un moyen de montrer qu’une personne peut se tromper de très bonne foi, et qu’il faut par conséquent ne pas voir constamment derrière toute erreur un parti pris ou du mensonge.

Le maître montrerait encore que la relation si impressionnante qui existe pour nous entre la conviction forte et la vérité d’une affirmation n’est nullement une relation nécessaire ; on peut être ardemment convaincu, et cependant être complètement dans l’erreur. Et celui qui avec une autorité impressionnante affirme qu’il a vu et entendu peut se tromper autant que celui qui hésite prudemment ; il y a là affaire de tempérament, plutôt que critérium de vérité. En poussant l’analyse un peu plus loin, lorsque des cas favorables à l’analyse se présenteraient, il serait facile de démontrer aux élèves que si on se trompe parfois dans l’observation directe, la majeure partie des erreurs se produit après, dans l’espèce de macération que le fait subit dans la mémoire ; c’est pendant l’acte de mémoire que la perception se déforme et qu’on ajoute des conjectures inconscientes pour compléter une observation incomplète. La leçon du maître deviendrait encore plus instructive si, dans certains cas, il intervenait directement, de toute son autorité, pour interroger les élèves sur leurs observations. Il aurait vite fait d’imaginer de ces questions insidieuses, qui sont de si formidables machines à suggestion. Avec un peu d’habileté, il ferait dire à tel enfant docile que celui-ci a vu ce qu’il était impossible de voir ; il provoquerait des erreurs, des illusions sans nombre ; le dilemme surtout, quand ses deux questions sont fausses, produit des effets bien remarquables ; demander si un fait s’est passé de telle manière ou de telle autre, si tel objet est petit ou grand, rouge ou bleu, c’est