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LES IDÉES MODERNES SUR LES ENFANTS

paraisons qu’on a pu faire entre la pensée intérieure de l’enfant et celle d’un homme adulte.

Les jeunes enfants ont l’esprit plein d’images qui répètent des sensations éprouvées antérieurement ; ils se représentent les objets absents avec une vivacité qui confine au rêve et à l’hallucination ; puis, à mesure que l’on grandit et que l’intelligence se développe, on se sert davantage d’abstractions ; le langage prend plus d’importance, il gagne du terrain sur les images sensorielles ; un adulte pense plus que l’enfant avec des mots ; et, en revanche, il se représente moins bien qu’un enfant la forme pittoresque des choses. Si on va jusqu’à interroger un savant, il vous dira, comme plusieurs des confrères de Galton l’avaient répondu à son questionnaire, qu’il ne voit rien de ce qu’il pense, que lorsqu’il songe à un de ses amis absents il ne se le représente pas comme s’il le voyait, il n’entend à aucun degré sa voix, mais il pense à lui sous une forme abstraite, déliée et subtile. Les images sensorielles, si elles sont encore évoquées, ne le sont que par fragments ; ou bien elles prennent une valeur de schémas, de symboles, ne correspondant plus à l’objet exact auquel on pense ; enfin elles perdent la netteté, le relief, à tel point qu’on ne peut plus reconnaître en elles des sensations renaissantes. Un degré de plus, elles disparaissent complètement. Il ne reste que le mot. Celui-ci peut aussi jouer un rôle secondaire, fragmentaire, et se volatiliser en quelque sorte. La pensée devient toute nue, réduite à une direction, à un choix, à un sentiment, à une attitude, à un phénomène intellectuel qui est peut-être ce qu’il y a au monde de plus difficile à expliquer et à comprendre.


Passons aux applications pédagogiques. La connaissance approfondie du type mental d’un individu est extrêmement utile à celui qui veut lui donner des conseils,