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LA MÉMOIRE

et les idées qu’on leur associe. La mémoire des idées est une vraie mémoire d’associations ; elle s’accompagne de langage, car notre parole, qui exprime si mal les nuances de nos sensations, est admirable au contraire pour exprimer les rapports entre les idées, et surtout pour en dégager la logique et nous rendre conscients de cette logique. Cette remarque nous permet d’entrevoir d’où vient la puissance de la mémoire des idées. Elle est formée d’un véritable tissu ; il suffit que nous tenions une des mailles pour que tout le tissu reparaisse ; en effet, plus nous avons d’associations au service d’un souvenir, plus celui-ci a chance de revivre ; or, comme dans le cas d’une mémoire d’idées, le nombre de ces moyens de réveil est immense, leur conservation se trouve assurée d’une manière presque infaillible. Pour bien saisir le contraste, comparons deux expériences : dans l’une nous cherchons à retenir un certain rouge, de telle valeur, de telle nuance ; quoi que nous fassions, au bout de quelques minutes, nous perdons l’exactitude de ce souvenir, nous ne reconnaîtrons plus l’échantillon montré, si on nous le présente confondu avec des couleurs voisines. Voilà la mémoire des sensations ; elle est très influencée par le temps. Maintenant, comparons-la à une autre expérience : on nous dit d’un certain rouge : il a la couleur pourpre d’une robe de cardinal. Ici, nous nous rappelons une nuance un peu vague, mais nous nous rappelons en même temps le mot qui la désigne, la comparaison qui l’illustre ; car tout cela est associé, cimenté, c’est de la mémoire d’idées et il y a des chances pour que notre souvenir de demain, de huit jours, d’une année, ne soit pas moins bon que notre souvenir actuel.

Résultant d’un système d’associations, la mémoire des idées doit surtout être développée conformément à sa nature, c’est-à-dire par une augmentation du