nous prouve que Marguerite, très consciente, avec peu d’abstraction et de rêve, ne perd point le contact avec le monde extérieur, tandis qu’Armande préfère les mots abstraits, les mots à idées vagues, et, du reste, elle possède un vocabulaire plus fin, ce qui atteste déjà que son type subjectif comporte un plus grand développement du langage.
Donnons-leur l’ordre de nous écrire des phrases quelconques ; et on verra encore mieux leur mentalité apparaître. Ceci aussi a été répété des centaines de fois. Les phrases de Marguerite sont des affirmations de faits réels, empruntés à sa vie privée, et, par conséquent, difficiles à comprendre sans long commentaire explicatif. Elle écrira, par exemple « L’autre jour, nous sommes allés avec Marguerite chercher des rouleaux neufs chez Pathé. — Gyp a très bien aboyé hier au soir, lorsque A… frappait aux volets, nous sommes dans l’espérance qu’il deviendra un bon chien de garde. — Comme cette pauvre Armande doit s’ennuyer, en m’attendant pour aller à bécane ! »
Au contraire, Armande, par un contraste amusant, ne fait aucune allusion à sa vie réelle ; elle peint un tableau poétique, elle imagine un fait absolument faux : « Une voiture s’arrête brusquement devant l’église. — En passant dans les bois, j’ai vu un oiseau tombé de son nid. — Il est nuit, quelques étoiles brillent discrètement dans la nue, la lune tremblante se cache sous un nuage. — L’enterrement défile en silence, et glisse le long des rues détrempées par la pluie. »
Sur une suggestion de changer leur genre de phrases, Marguerite fait des phrases d’imagination ; son imagination enfante surtout de petits événements précis et vraisemblables :
« Un petit garçon qui se promenait avec son chien eut la douleur de le voir écrasé par une lourde charrette. — Rue du Bac, deux fiacres s’accrochèrent très