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LES IDÉES MODERNES SUR LES ENFANTS

ver en 3 minutes ; Antoine en cita 78, tandis qu’Ernest n’en trouvait que 67, et Louis que 49. On leur fit expliquer le sens de 20 mots abstraits, parmi lesquels il y en avait de difficiles. Antoine en expliqua 16, Ernest, 11, et Louis 10. On leur fit faire des associations avec un mot qu’on leur donnait ; Antoine trouvait son association assez vivement, en 4",8 ; Ernest en 5",50, et Louis, bien plus lent, en 7",60. Enfin, je leur lus à tous les trois le passage suivant qui est un peu difficile à comprendre (c’est une paraphrase d’une pensée de Paul Hervieu), et je les priai de le reproduire aussitôt après de mémoire.

« On a porté des jugements bien différents sur la valeur de la vie. Les uns la proclament bonne, d’autres la proclament mauvaise. Il serait plus juste de dire qu’elle est médiocre, car, d’une part, elle nous apporte toujours un bonheur inférieur à celui que nous avons souhaité, et, d’autre part, les malheurs qu’elle nous inflige sont toujours inférieurs à ceux que d’autres auraient souhaités pour nous. C’est cette médiocrité de la vie qui la rend équitable, ou plutôt qui l’empêche d’être radicalement injuste. »

Ernest et Louis comprirent mal et reproduisirent, sans avoir même le secours de la mémoire verbale. Voici ce que Louis écrivit :

Notre vie est médiocre elle nous apporte ce que nous n’espérons pas et que si l’on pense à quelque chose elle nous en apporte une autre on peut donc dire que notre vie est une lutte contre le hasard.

Il n’y a pas de faute d’orthographe, mais le tout est dénué de ponctuation ; l’idée n’a pas été comprise ; il n’y a pas non plus de mémoire verbale, pas de reproduction textuelle des mots.

Que l’on compare ce qui précède avec la rédaction d’Antoine :

Les uns disent que la vie est bonne, d’autres disent qu’elle