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LA PARESSE ET L’ÉDUCATION MORALE

Nous avons toujours cherché, dans ce livre, à ne pas nous montrer exclusifs et à convier le plus grand nombre possible de collaborateurs au grand œuvre de l’éducation. Nous sommes donc très heureux de voir que des médecins sont souvent consultés dans des cas de paresse morale, et il y a toujours lieu de chercher si cette paresse morale ne s’explique pas par des perturbations physiologiques accessibles à un traitement médical ; qu’il en soit souvent ainsi, c’est probable ; qu’il en soit toujours ainsi, c’est douteux. En tout cas, nous ne pouvons pas approuver le médecin qui, de parti pris, déclare malade tout paresseux et qui, ce qui est pire, s’arrange pour toujours vérifier son diagnostic a priori par une constatation incontrôlable. Nous ne voulons pas que le moraliste s’efface constamment devant le médecin. Nous ne croyons pas utile que l’enfant paresseux se considère comme un malade ; nous n’admettons pas que l’instituteur lui-même considère l’enfant comme un malade dont on regarde les écarts avec sérénité ; surtout, nous n’admettrons jamais qu’on supprime dans les milieux scolaires l’idée si féconde et si juste de la responsabilité morale. Laissons là les discussions de métaphysique ; la métaphysique est une chose, et l’enseignement en est une autre. Au point de vue métaphysique, on a le droit d’être déterministe, parce que l’idée de libre-arbitre se confond avec la conception inintelligible du hasard et que cette idée-là n’explique nullement la responsabilité. Mais en pratique, et surtout à l’école, je suis pour que l’élève ait le sentiment qu’il est responsable de ses actions, de son travail, et que, lorsqu’il est puni pour sa paresse, il est puni avec justice. C’est à ce point de vue aussi que le maître doit se placer constamment, s’il veut exercer une action efficace sur ses élèves ; c’est contre un responsable seulement qu’on peut s’emporter et s’indigner ; l’indignation généreuse, quand elle est inspirée par l’in-