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LA PARESSE ET L’ÉDUCATION MORALE

tendances qui sont communes à tous les enfants, et même à tous les hommes, et même à tous les animaux. Tous, nous cherchons le plaisir et nous fuyons la douleur : cette observation si simple est la base du dressage ; avec une cravache et des carottes, on fait d’un singe tout ce que l’on veut. Remplaçons ces mobiles grossiers par des mobiles plus élevés, et nous avons l’essentiel d’une éducation morale s’appliquant à un être humain.

Toute l’œuvre éducative est suspendue à la personnalité du maître ; elle vaut ce qu’il vaut. L’éducation suppose un inférieur et un supérieur ; elle est faite d’influence, d’ascendant, et, pour tout dire, de suggestion, d’autorité. Mais d’où provient l’autorité ? Quelle en est la source ?

Est-ce de la personne physique ? Oui, en partie ; de la prestance, une belle stature, une force musculaire très grande, un regard assuré sont de grands avantages ; les professeurs de petite taille ne le savent que trop. Le costume même a de l’importance. Mais je crois que tous les dons physiques n’ont qu’une valeur d’emprunt ; ils impressionnent, parce qu’ils sont le signe habituel d’une grande énergie et d’une volonté forte. Ils ne servent plus à rien lorsqu’on s’est aperçu que les qualités de caractère font défaut. J’ai vu des colosses que des enfants bernaient.

Des dons intellectuels, on peut dire autant ; mettre de la vie dans son enseignement, tenir constamment en éveil l’attention des élèves, c’est se rendre la discipline facile. De plus, les maîtres qui, par leur intelligence, ont acquis une certaine réputation, presque de la gloire, ont bien des titres à la confiance de leurs élèves ; ceux-ci sont fiers de leurs maîtres ; je m’en rappelle des exemples. Et, enfin, plus on a d’intelligence, plus on met d’à-propos et de finesse à employer l’autorité qu’on a ; mais, cette autorité,